Poubelles la vie ! ou comment voyagent nos achats fabriqués au bout du monde ?

Combien de déchets pour un produit acheté et livré ? Des conteneurs tombent à l’eau, et l’on retrouve la marchandise sur nos plages. Aux alentours des ports, les habitants se plaignent de la pollution qu'entraîne leur circulation. Les porte-conteneurs sont devenus le fer de lance de la mondialisation : ils sont de plus en plus nombreux et toujours plus gros. Hugo Clément enquête en haute mer jusqu’à un cargo-poubelle abandonné avec des marins bloqués à bord.

Le journaliste Hugo Clément explique : 
« Quand on achète des produits du quotidien, des vêtements ou des meubles, l’immense majorité a déjà traversé la planète sur un porte-conteneurs. 90 % du fret international passe par la mer. J’ai été très marqué par le navire qui a brûlé pendant 13 jours au large du Sri Lanka en 2021, polluant les plages alentour de millions de billes en plastique. J’ai donc voulu m’intéresser à ce monde si discret de la marine marchande, qui est pourtant le pivot de la mondialisation. J’ai appris que nous retrouvons sur nos plages des objets échappés des conteneurs des bateaux et tombés à l’eau. Comment est-ce encore possible en 2022 ? Avec mon équipe, nous avons découvert un univers impitoyable, avec des quantités de marchandises astronomiques, des cadences infernales, des ports démesurés et entièrement automatisés. C’était incroyable de voir ces camions sans chauffeur, ces conteneurs qui descendent seuls des bateaux... Nous avons rencontré partout en France des combattants qui se battent contre la pollution de la marine marchande. Un secteur qui a réalisé des superprofits avec la crise du covid. L’armateur français CMA CGM a engrangé l’an dernier plus de bénéfices que Total ou LVMH ! À Marseille, une femme nous alerte sur la pollution générée par les fumées des navires. En Bretagne, une association veut que les armateurs dépolluent les plages souillées à cause d’un chargement tombé à la mer. Un ancien marin nous a même fait découvrir son combat contre les cargos-poubelles. En retrouvant la trace de vieux navires qui livraient nos ports il n’y a pas si longtemps, nous avons remonté des filières et découvert un cargo en panne abandonné en pleine mer, sans électricité, avec les marins à bord. Un autre navire européen est en train d’être désossé illégalement en plein océan Indien, sans aucune mesure de sécurité. Des images exceptionnelles que le monde de la marine marchande souhaite cacher à tout prix. »

Des séquences exceptionnelles
Sur le front a retrouvé un cargo-poubelle passé par La Rochelle, abandonné au Sénégal avec ses marins à bord. Sur nos plages atlantiques, des brosses à dents et des produits de beauté échoués à cause d’un container Lidl tombé d’un bateau. Le cimetière des bateaux-poubelles au Bangladesh, où un bateau est en train d’être démantelé sans aucune mesure de sécurité, directement dans l’océan Indien. C’est totalement illégal, mais ce navire a changé de pavillon juste avant de partir mourir dans ces conditions dramatiques. Le paquebot CMA CGM est moins vert qu’il n’en a l’air, même s'il est peint en vert et se vante d’avancer au gaz naturel... Sur le front a découvert qu’il y a souvent des fuites de méthane très polluantes. On apprend aussi qu’il possède deux cuves, une de gaz, mais aussi une autre… de fioul lourd ! 
En contrepoint, une société française invente une immense voile pour réduire la consommation des cargos. Cette gigantesque voile permet d’économiser 20 à 40 % de carburant sur des porte-conteneurs traditionnels. Avec son mât de 60 mètres, il a fallu réaliser le plus grand convoi exceptionnel français pour l’amener jusqu’au port. Nous suivons début janvier 2023 les premiers tests grandeur nature.

Des combattants
Claire Simonin, avocate, troque régulièrement sa robe pour les bottes de pluie. Elle arpente les plages bretonnes pour ramasser les objets tombés des paquebots au large. Claire Simonin arrive à mobiliser petits et grands pour ce travail titanesque et nous alerte sur les pollutions toujours plus nombreuses liées au fret maritime. 
Elisabeth Pelliccio, marseillaise, est persuadée que la fumée des bateaux nuit gravement à sa santé et à celle de ses voisins. Elle manifeste et pose des capteurs dans son quartier pour documenter cette pollution dangereuse. 
Constance Dijkstra et Fanny Pointet, membres de Transport & Environnement, nous dévoilent ce que le monde de la marine marchande voudrait tant nous cacher : le carburant qui fait avancer ses bateaux. 
Mohammed Sajib est pêcheur et vit sur une côte où, sur des dizaines de kilomètres, des navires en fin de vie sont démantelés sans aucune norme de sécurité. Il se bat contre les bateaux européens envoyés illégalement dans sa zone de pêche et qui déversent des produits chimiques et des substances toxiques dans les eaux.