« Afghanes » : la parole des femmes

Je sais que les talibans essaient de nous effacer… Ils sont prêts à tout et à n’importe quoi pour y arriver. Mais cet effacement des femmes d’Afghanistan n’a pas commencé avec les talibans : il existait bien avant.

 

Mahbouba Seraj, 74 ans, militante

Une jeune femme diplômée qui voit s’écrouler tous ses rêves et sombre dans le désespoir, une chef d’entreprise qui lutte chaque jour pour préserver l’emploi de ses salariées, une enseignante qui abrite une classe clandestine, une paysanne qui se bat pour divorcer, une jeune mère dans la misère contrainte de vendre trois de ses filles pour survivre… Les témoignages et les portraits d’Afghanes laissent une empreinte profonde. Ils permettent surtout d'entendre un pays au féminin, qui ne cesse de subir la volonté des hommes.

« Une histoire de la violence dans la tête des femmes afghanes », annonce la voix de Solène Chalvon-Fioriti, correspondante en Afghanistan pendant plus d'une décennie. La journaliste connaît bien ce pays auquel elle a consacré plusieurs documentaires et récemment un livre, La femme qui s’est éveillée, une histoire afghane, finaliste du prix Albert-Londres. Depuis le retour au pouvoir des talibans, le 15 août 2021, elle poursuit son travail auprès de celles dont elle recueille inlassablement la parole : les femmes, victimes de la pire des misogynies.
Car, au fil des mois, les Afghanes ont replongé dans l’obscurité : celle de leurs burqas imposées par les talibans, de leurs maisons où on les a recluses de force, et celle des châtiments d’un autre âge. Elles, qui ont disparu de l’espace public, livrent dans l’intimité de leurs maisons, le visage découvert et la parole libérée, leurs sentiments, leur révolte et leurs espoirs. 
Un document d'autant plus rare que l'Afghanistan des talibans s'isole à grands pas du monde, et barre progressivement l'accès aux journalistes étrangers. Solène Chalvon-Fioriti s'est d'ailleurs vu refuser à la fin de l'année 2022 le visa lui permettant de continuer à travailler dans le pays. Mais les entretiens qu'elle a enregistrés auprès de ces femmes qu'elle connaît parfois depuis plusieurs années, déroulent pour chacune — et pour quatre générations différentes — une réalité de la femme afghane. Avec ses souffrances, ses joies, sa dignité, son courage et sa fierté.

Par la force des témoignages et leur diversité, par un tournage au plus près de l'intime, de l'enfance, sans homme environnant, ce film édifiant s'emploie à restituer la voix des éternelles damnées de l'histoire afghane. Des Soviétiques à l'OTAN, des moudjahidines à l'éphémère République effondrée en 2021, le travail d’enquête de Solène Chalvon-Fioriti montre, archives inédites à l'appui, comment les Afghanes ont toujours été cantonnées à la propagande politique, même de la part de leurs supposés libérateurs. « Ce n’est que longtemps après que j’ai réalisé que l’Union soviétique instrumentalisait tout le temps les femmes d’Afghanistan », s’indigne la militanteMahbouba Seraj, 74 ans.
Comme un long cri, Afghanes nous offrent une grande épopée féminine. Un récit encore possible il y a quelques mois, mais qui risque de disparaître à mesure que les talibans intensifient la répression... et que le pays s'enfonce dans la nuit.

Extraits 

« Depuis toute petite, on a grandi avec la terreur des talibans. Depuis des décennies, la peur du taliban coule dans notre sang. Et là, d’un seul coup, sous nos yeux, ils sont tout-puissants… » Suraya, physiothérapeute

« À chaque fois que je vais à un entretien, on me dit que je ne peux pas être embauchée parce que je ne suis qu’une femme… mais être une femme n’est pas un pêché ! » Zara

« Au nom de la liberté, ils nous ont pris notre identité de femmes afghanes. Leurs idéologies allaient contre notre religion et notre culture. Nous ne voulions pas que ces étrangers défendent nos droits, nous pouvons défendre nos droits toutes seules. » Tajouar Kakar, ex-ministre déléguée aux Droits des femmes

« Je dirais que la coalition internationale n’en avait sincèrement rien à foutre des femmes en Afghanistan. » Mahbouba Seraj, 74 ans, militante

 « Le plus déchirant pour moi, c’est de savoir que mon pays est entre leurs mains, que ces types sont assis là-bas en ce moment et ramènent mon pays à l’âge de pierre. »  Une exilée à Istanbul

Solène Chalvon-Fioriti
biographie et filmographie 

Depuis le Pakistan, elle accentue sa couverture de l'Afghanistan voisin, et publie de nombreux articles pour des revues littéraires. En Afghanistan, elle réalise Zones tribales, un long chemin vers la paix (2021, 26 min) pour France 24, et Tu enfanteras dans le chaos (2020, 26 min) pour Arte, une plongée dans l’univers de la maternité afghane, et enfin Vivre en pays taliban (2021, 40 min) pour Arte. En 2022, elle plonge dans l'univers des militants soufis pakistanais pour M6 (52 min), et coréalise avec Margaux Benn un documentaire sur le parcours d'exil de deux esthéticiennes afghanes, Comme tu es belle ! (LCP, 52 min). Solène Chalvon-Fioriti a publié en 2022 La femme qui s’est éveillée, une histoire afghane, Flammarion. La même année, l'ouvrage est finaliste du prix Albert-Londres.

Maximisez vos chances de gagner un casque VR jour après jour

Calendrier #8MarsTousLesJours #LesBattantes

Le Monde en face : Afghanes

Déconseillé aux moins de 10 ans

Des femmes muselées. Des prisonnières, mises en cage sous leur burqa, victimes éternelles de la barbarie des talibans. Ainsi sont-elles figées dans nos imaginaires. À rebours des clichés misogynes qui les frappent traditionnellement, quatre générations de femmes afghanes se racontent.  Elles désignent leurs bourreaux, mettent en mots leurs espoirs et leurs combats. À travers leurs récits se dessine l’histoire de tout un pays. 

Documentaire (75 min - inédit - 2023) — Réalisation Solène Chalvon-Fioriti — Production Elephant Doc / Chrysalide Production, avec la participation de France Télévisions

Les intervenants du débat animé par Mélanie Taravant
Solène Chalvon-Fioriti, réalisatrice du doc ; Husnia Anwari, franco-afghane réfugiée en France depuis 2013 ; Hamida Haman, fondatrice de Radio Begum ; Myriam Benraad, politologue, spécialiste du monde arabe

Diffusion dans Le Monde en face, présenté par Mélanie Taravant, dimanche 12 mars à 20.55 sur France 5
Afghanes est à (re)voir sur france.tv

#8MarsTousLesJours #LesBattantes