Le destin hors norme d’Ady Steg  

« Ady Steg :
un parcours juif, une histoire française »

C’est l’histoire d’un petit garçon juif né dans les persécutions antisémites de l’Europe de l’Est des années 1920, qui devint une figure majeure du judaïsme français mais aussi de la communauté nationale. Ady Steg s’est éteint à l’aube de ses 100 ans, et ce portrait – qui fait écho à l’Histoire mais aussi à l’actualité – retrace l’épopée inspirante d’un homme, un « Mensch » qui, toute sa vie, lutta contre l’antisémitisme et les discriminations. À voir dimanche 14 janvier à 22.40 sur France 2.

« Ady Steg :
un parcours juif, une histoire française ». © SWIM

Les fidélités que nous avons chacun sont extrêmement multiples et variées, et je ne vois pas pourquoi une double fidélité, qui n’a rien à voir avec les nationalités, modifierait en quoi que ce soit notre citoyenneté française.

Ady Steg, lors des auditions pour la réforme du Code de la nationalité en 1987

Pénétrer dans l’intimité d’Ady Steg, c’est revivre la destinée unique des Juifs du XXe siècle, du péril de la Shoah à la renaissance en Israël, en passant par son inlassable lutte pour la préservation des droits et de la mémoire des Juifs de France. Un destin exceptionnel pour un fils d’immigrés juifs qui déjoua le sombre sort qui lui était réservé pour devenir un médecin respecté soignant le corps des présidents comme les maux de sa communauté. Ady Steg fut un militant perpétuel. 

« Je voudrais honorer plusieurs êtres dans un être, plusieurs parcours dans un parcours, plusieurs vies dans une vie… » Des mots employés par Jacques Chirac en 2001 pour remettre la légion d’honneur à Ady Steg.

D’immigré pauvre à chirurgien de présidents
L’enfant « né dans les fins fonds de la Slovaquie » en 1925, dans un shtetl, aurait-il pu imaginer telle reconnaissance de sa citoyenneté française ? Le parcours d’Ady Steg – aujourd’hui presque inconnu – est pourtant exceptionnel. Juif réfugié en France avec sa famille à l’âge de 7 ans, il devint résistant, puis médecin urologue, chirurgien qui soigna deux présidents de la République, chef de service à l’hôpital Cochin et artisan de la réforme du système des urgences. Fervent militant contre l’antisémitisme, il fut président de l’Union des étudiants juifs de France, du Crif, puis de l’Alliance israélite universelle et vice-président de la commission sur les spoliations des biens juifs pendant la guerre. « La France lui avait offert la possibilité d’être ce qu’il était », dit de lui le publicitaire Maurice Lévy. 

Ady Steg : un parcours juif, une histoire française
Ady Steg.
© SWIM

Les années sombres
Dans ce documentaire réalisé par sa belle-fille, c’est Ady Steg lui-même qui raconte le plus souvent, avec précision, parfois humour, et grâce à de nombreuses archives, ses vies multiples.
Celle du brillant élève qui, lorsqu’il entre pour la première fois avec son étoile jaune dans sa classe, lit la consternation dans le regard de ses camarades et se souvient aujourd’hui du choix de son professeur de leur faire étudier ce jour-là un chapitre de Montesquieu intitulé : « De la tolérance ». 
Celle du résistant qui, après la déportation de son père en mai 1941, et y ayant échappé de peu lui-même, se forme au château de Cazaubon, haut-lieu de la résistance gersoise, dont il prendra la direction un an plus tard à l’âge de 18 ans, avant de prendre le maquis.
Celle de l’étudiant de médecine qui, après le retour de son père à la Libération, œuvrera sans relâche pour soutenir le transfert des Juifs revenus des camps vers la Palestine, avec sa future femme, Gilberte Nissim, dont la grande sœur a été déportée en 1943. Ady Steg devient en 1947 président de l’Union des étudiants juifs de France. Toute sa vie, il sera aux côtés de la communauté juive française, tout en restant fidèle à son pays d’adoption.

Il incarnait le bonheur d’apprendre, la curiosité, les nouvelles méthodes pédagogiques, l’intelligence de situation, l’acceptation de la diversité.

Rabbin Haïm Korsia, à propos du président de l’Alliance israélite universelle (de 1985 à 2011)

Le combat de l’homme qui a choisi d’être juif et français
Amoureux de la France et de sa culture toute sa vie, il en est même devenu l’un des symboles les plus brillants de la méritocratie républicaine. D’immigré pauvre, il devient un brillant chirurgien, reconnu dans le monde entier, soignant Charles de Gaulle puis François Mitterrand. « Il n’est guère de prostate présidentielle, ministérielle, artistique, scientifique que tu n’aies exploré et apaisé », lui rappellera son ami Robert Badinter lors d’un discours. 
Lui qui aimait dire que le judaïsme était sa demeure spirituelle et la France sa demeure culturelle s’est engagé toute sa vie pour la reconstruction et la transmission pendant plus de soixante-dix ans. Un combat pour la mémoire et contre l’antisémitisme qui n’a jamais autant résonné avec notre monde d’aujourd’hui…

Il y a un autre danger qui nous menace : c’est le piège d’isoler la communauté juive de France au sein de la nation… Il me semble que c’est dans la mesure où, justement, la nation en entier est solidaire et refuse cet isolement que nous nous opposons le plus activement au terrorisme.

Ady Steg, lors des attentats antisémites des années 1980


Isabelle Wekstein, auteure, réalisatrice

Productrice, réalisatrice et écrivaine, Isabelle Wekstein a signé plusieurs documentaires depuis 2013. Elle est également avocate associée et fondatrice du cabinet WAN Avocats qui regroupe une trentaine d’avocats. Depuis plus de quinze ans, elle se consacre à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Ses projets sont engagés dans l’éducation, la promotion de la citoyenneté, ainsi qu’au soutien des initiatives de coexistence judéo-arabe en France et au Proche-Orient. Elle a notamment réalisé : Quand l’hôpital retient son souffle (75 min, France 5, 2021) qui a reçu les Lauriers de l’audiovisuel en 2021 (dans la catégorie Civisme et grande cause), et fut lauréat des Mada Awards au Commffest Global Community Film Festival 2021 au Canada ; ainsi que Les Français, c’est les autres (64 min, France 2, 2016) qui a reçu le prix Copernic.

Ady Steg : un parcours juif, une histoire française

Ady Steg :
un parcours juif, une histoire française
Le jeune Ady Steg (à gauche).
© SWIM

Documentaire (52 min – 2023) – Auteure-réalisatrice Isabelle Wekstein– Musique originale Raphaël Eligoulachvili – Commentaire dit par Bruno Abraham Kremer – Conseiller historique Jay Winter – Coproduction S.W.I.M.et Cinétévé, avec la participation de France Télévisions

Ady Steg : un parcours juif, une histoire française est diffusé dimanche 14 janvier à 22.40 sur France 2
À voir et revoir sur france.tv 

Publié le 12 janvier 2024