70 ans de Diên Biên Phu : « Indochine, une guerre oubliée »

Que celui qui a un fusil se serve de son fusil, que celui qui a une épée se serve de son épée ! Que chacun combatte le colonialisme.

 

 

Hô Chi Minh

À l'occasion du 70^e anniversaire de la fin de la bataille de Diên Biên Phu qui amorce la fin de la guerre d'Indochine, ce documentaire-événement, raconté par la voix du comédien Philippe Torreton, rouvre les dossiers sensibles d’une période charnière longtemps négligée.  

« Entre 1945 et 1954, la France a mené une guerre bien lointaine, à plus de 9 000 km de Paris. Ce fut une guerre effroyable faite de négociations et de trahisons, d'utopie et de désillusions. Une guerre de libération et de servitude, d'espoir et d'enfer.
Cette guerre a ravagé un pays, provoqué des centaines de milliers de morts et amorcé l'effondrement de l'empire colonial français.
Une guerre aux multiples facettes : une guerre coloniale, une guerre d’indépendance, une guerre froide, une guerre oubliée. »

De 1940 à 1954, « la perle » de l’empire colonial français s’enflamme. Français et Vietminh transforment la péninsule indochinoise en un sanglant brasier, emportant avec eux tout un peuple, tout un monde. Car, derrière chaque bombe, chaque obus, chaque munition tirée, se cache l’aide des grandes puissances, qui ont fait de ce conflit un enjeu stratégique majeur de la guerre froide...

« Il y a 70 ans, la France quittait dans l’urgence une colonie dont elle n’était définitivement plus souveraine.

Pourtant, alors que le pays semble enfin en mesure d’affronter son passé impérial, la focale se trouble lorsque l’on s’arrête sur l’Indochine. La guerre de décolonisation la plus violente du XX^e siècle semble s’être évaporée des mémoires collectives.
De cette guerre ne subsiste qu’une image, un symbole qui scella en 1954 près d’un siècle de colonisation : Diên Biên Phu.
Une bataille qui concentre les fantasmes et attise les imaginaires. Un siège de 56 jours qui dissimule pourtant une réalité bien plus complexe, en somme, l’arbre qui cache la forêt. Car de l’image d’Épinal de la colonie modèle et du sacrifice militaire constamment rebattu à l’écran, il ne reste quasiment plus rien, sinon l’ombre d’un conflit lointain, comme étranger.
Au regard de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre du Vietnam, la guerre d’Indochine fait bien pâle figure. Alors que le conflit algérien suscite depuis des décennies une véritable politique mémorielle, l’Indochine s’est figée en un souvenir toujours plus distant.

« Et pourtant… ce conflit mérite que l’on porte un nouveau regard.
En raison du nombre de victimes : plus d’un demi-million de morts côté vietnamien, 25 000 morts côté français, auxquels s’ajoute le double dans les troupes coloniales.
En raison du traumatisme subi par les forces et les colons français, ainsi que de la sensation de trahison qu'ils ont ressentie à l’égard du pouvoir politique.
Mais, en raison aussi des silences vietnamiens. Car si une victoire éclatante a été remportée par Hô Chi Minh, elle s’est accompagnée d’immenses purges et d’un exode massif de Vietnamiens fuyant le joug communiste.
C’est dire toute la complexité d’un conflit victime de ses ombres et de ses silences.
Le film entend donc comprendre cette guerre aux multiples facettes : à la fois guerre coloniale, guerre d’indépendance, guerre civile et conflit de la guerre froide. Il se place au sommet, en envisageant les stratégies, les calculs, les jeux des dirigeants, tout en se rapprochant de la réalité vécue au ras des rizières, au plus près des combattants et des civils. »

« En nous inscrivant dans la continuité de Décolonisations, du sang et des larmes, notre volonté est de poursuivre l’ambitieuse démarche mémorielle initiée par cette série qui a profondément marqué les esprits. »

David Korn-Brzoza et Olivier Wieviorka, auteurs.

Extraits

« S’il faut nous battre, nous nous battrons. Vous nous tuerez dix hommes, mais nous vous en tuerons un, et c’est vous qui finirez par vous lasser. » Hô Chi Minh

« Il est inimaginable qu’après quatre années d’occupation les Français ne reconnaissent pas le visage qui est aujourd’hui le leur en Indochine : ne voient-ils pas que c’est le visage des Allemands en France ? »
Jean-Paul Sartre, dans la revue les Temps modernes

« Combien croyez-vous qu’il y ait encore de bonnes années en Indochine ? Pourvu que la guerre dure longtemps ! » Un Français dans l’import-export

« Je ne sais à quoi je pensais, si ce n'est à tuer les Français. Cela m'obsédait. Mais tout le monde pensait à ça. Ce que nous ferions quand nous grandirions : tuer les Français. »
Nguyen Cong Hoan, un jeune adolescent touché par une balle française

« C’est une guerre ignorée. Ça me fait mal au cœur quand je pense à l’héroïsme de nombre de mes camarades, à mes lieutenants tués. » Un soldat français

« Nous n'avons tout simplement pas les moyens d'imposer la solution militaire que nous espérons depuis si longtemps. Ayez le courage de regarder la vérité en face ! » Pierre Mendes France

« Les flammes ont couru plus vite que les Viêts. Elles en ont rattrapé et englouti des centaines, des milliers peut-être... » Lucien Bodard, journaliste

« Le déluge de feu de l'adversaire continue de s'abattre. Le seul moyen de s'en tirer est de foncer en avant et sans hésitation, de toute façon nous allons mourir si nous restons couchés. Nous bondissons de nos abris en courant à toute vitesse, d’une seule traite, vers les barbelés. Devant l'endroit où l'on doit ouvrir une brèche, morts et blessés s'entassent. Nous devons les laisser et continuer notre progression… La moitié de notre bataillon est mort ou blessé. » Un soldat vietminh

« À Diên Biên Phu, nous nous sommes attachés comme une chèvre à son piquet. Nous sommes la proie chargée d'attirer le tigre vietminh. Cette situation ne me plaît guère... » Lucien Le Boudec, général français

Biographies

David Korn-Brzoza, auteur-réalisateur
Réalisateur spécialisé en histoire, il a écrit et réalisé plusieurs documentaires de référence sur l’espionnage, la Seconde Guerre mondiale et les affaires de la V^e République. La plupart de ses réalisations ont été diffusées en prime time et ont rencontré un franc succès tant en France qu’à l’étranger.
La Rafle du Vel d’Hiv, la honte et les larmes (103', Roche productions, 2022, France Télévisions),
Pearl Harbor, le monde s’embrase (105’, Bonne Pioche, 2021, France Télévisions),
Décolonisation, du sang et des larmes (2 x 80’, Cinétévé, 2020, France Télévisions),
Ku Klux Klan, une histoire américaine (2x52’, Roche Productions, 2020, Arte), 
La Police de Vichy (94’, Program 33, 2017, France Télévisions), 
Hitler et Churchill (97’, Roche Productions, 2016, France Télévisions, RTBF),
Jeunesses hitlériennes (110’, Zed production, 2017, France Télévisions, National Geographic), 
Après Hitler (90’, Cinétévé, 2016, France Télévisions, Planète, RTBF, Discovery),
La Chute du Reich (100’, Cinétévé, France Télévisions).

Olivier Wieviorka, co-auteur
Professeur des universités à l’ENS de Paris-Saclay, il est un spécialiste reconnu de la guerre, et de la Seconde Guerre mondiale en particulier. Il a consacré à ce sujet plusieurs livres, dont une Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale (Ed. Perrin, 2023), une Histoire du Débarquement en Normandie par l’infographie (Le Seuil, 2024) ainsi qu’une Histoire de la résistance (Perrin, 2013).

Indochine, une guerre oubliée

Documentaire (100 min – inédit – 2024) — Auteurs David Korn-Brzoza et Olivier Wieviorka — Réalisateur David Korn-Brzoza — Raconté par Philippe Torreton — Conseiller historique Pierre Journoud — Coproduction Cinétévé / ECPAD, avec la participation de Asharq News Services / AMC Networks International Southern Europe de Mediawan Thematics pour Toute l’Histoire, et de France Télévisions

Indochine, une guerre oubliée sera diffusé mercredi 1er mai à 21.10 sur France 3
À voir et à revoir sur france.tv