30e anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda : une soirée sur France 5
Il y a trente ans, le 7 avril, commençait le dernier génocide du vingtième siècle. Pour la trentième Journée internationale de réflexion sur le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, France 5 propose une soirée avec deux documentaires, et un débat dans « Le Monde en face ». « Rwanda, vers l'apocalypse » et « Rwanda, désobéir ou laisser mourir ? » sont à voir dimanche 7 avril à 21.05 et 23.00 sur France 5 et france.tv.
Ils ont tué des enfants et des vieillards, et ça je ne peux pas le pardonner.
Marie-Chantal Niyonshuti, rescapée du génocide
21.05 — Le Monde en face : Rwanda, vers l'apocalypse
Dans ce documentaire narré par l'écrivain et auteur-compositeur-interprète franco-rwandais Gaël Faye, rescapés, témoins, historiens, analystes et acteurs de premier plan déroulent le compte à rebours des événements et des choix politiques qui ont mené inexorablement au génocide des Tutsis par les Hutus du Rwanda, avec le soutien de l’État français. Une responsabilité reconnue aujourd'hui par Emmanuel Macron.
Un génocide qui, en 1994, ne dit pas son nom. Et pourtant, en trois mois, un million de Tutsis sont massacrés par leurs concitoyens hutus. « Les gens qui organisent le génocide sont de grands intellectuels, précise le journaliste Jean-François Dupaquier, avec une préparation minutieuse, tirée de l’expérience hitlérienne. » La France de François Mitterrand y a sa part de responsabilité. On est loin, très loin, des massacres inter-ethniques « à l’africaine » présentés par l’Élysée de l’époque pour minimiser l’étendue de l’horreur. L’historien Vincent Duclert — qui a présidé la commission chargée de faire la lumière sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994 — est formel : « Les autorités françaises soutiennent inconditionnellement un régime qui prépare le génocide des Tutsis. »
J’étais choquée par la quantité d’armes que les gens achetaient. Cela nous faisait très peur, nous sentions que quelque chose de grave se préparait. On sentait la haine monter.
Speciose Mukayiranga, rescapée du génocide des Tutsis
Depuis l’indépendance du pays en 1959, le pouvoir est passé dans le camp des Hutus qui représentent 85 % de la population. Agriculteurs contre éleveurs tutsis, dont le colon belge avait choisi de faire l’élite du pays. « On instaure la république, rappelle l’historien Marcel Kabanda, mais les leaders rwandais ne remettent pas en cause la racialisation de la société par le colonisateur. » Ce que le journaliste Jean-François Dupaquier considère « totalement fantasmatique : il n’y a pas de race au Rwanda. Il n’y a même pas d’ethnie. Il y a eu énormément de mariages entre les groupes sociaux… »
Dès 1963 s’exercent les premières violences contre les Tutsis. Elles feront 8 000 victimes et entraîneront l’exil de milliers de réfugiés. Paul Kagame, l’actuel président de la république du Rwanda – qui témoigne dans ce film –, n’a jamais oublié ce départ forcé avec sa famille vers l’Ouganda, à l’âge de quatre ans. Plus tard, il prend les armes avec le Front patriotique rwandais (FPR) pour revenir au pays et, en 1990, devient chef de guerre.
On n’était plus des êtres humains, on était des cancrelats, des serpents…
Speciose Mukayiranga, rescapée du génocide des Tutsis
Au Rwanda, le général Juvénal Habyarimana, au pouvoir depuis 1973, et qui poursuit sa politique discriminatoire, demande de l’aide militaire à son ami François Mitterrand. Le général Jean Varret, qui accompagne le président français lors de sa tournée africaine, rapporte ses propos : « Je veux lutter contre la prééminence des Américains et des Anglo-Saxons en Afrique... La force de la France à l’ONU face aux Américains, nous l’avons grâce à l’Afrique. » Or, rappelle le général, « Kagame, lui, était un produit des Anglo-Saxons et équipé par eux. » Dès lors, les positions s’affirment, comme le rappelle Vincent Duclert : « Le FPR est devenu l’ennemi existentiel du régime Habyarimana. Et aussi l’ennemi de la France. »
À partir de 1992, le compte à rebours vers le pire se met en place, et ce film en fait le récit en dévoilant les prémices, les actes et les conséquences. À travers des témoignages inédits, notamment ceux des victimes, mais aussi ceux de leurs bourreaux, et celui de Paul Kagame, actuel président du Rwanda et acteur clé de l'époque.
Les consignes étaient claires : si tu avais une arme, tu devais chasser les Tutsis et les tuer.
Un soldat de l'armée rwandaise
Le 6 avril 1994, de retour d’une réunion en Tanzanie, peu avant 20h30, alors que le Falcon 50 du président Habyarimana, offert par Mitterrand, amorce sa descente, deux missiles percent l'obscurité. L'avion s’écrase dans les jardins de la résidence présidentielle.
Cet attentat donne aussitôt le signal. Le génocide de la minorité tutsi — planifié pendant des années, sous les yeux de la France, sourde aux alertes — vient de commencer.
Un million de morts en trois mois.
Le débat
À l’issue de la diffusion, Mélanie Taravant animera le débat avec :
— Dafroza Gauthier : d'origine rwandaise, cofondatrice du CPCR (Collectif des parties civiles pour le Rwanda) qui a pour mission de traquer les génocidaires pour les faire comparaître en justice ;
— Étienne Nsanzimana : d'origine rwandaise, rescapé du génocide, ancien président et membre du conseil d'Ibuka France, association des victimes du génocide ;
— Vincent Duclert : historien et auteur du rapport Duclert remis à Emmanuel Macron en 2021 qui atteste de la « lourde et accablante responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda » ;
— Jean Hatzfeld : ancien correspondant de guerre pour Libération, écrivain, auteur de six ouvrages consacrés au génocide, dont Là où tout se tait, aux éditions Gallimard (2021).
23.00 — La Case du siècle : Rwanda, désobéir ou laisser mourir ?
Kigali, avril 1994, alors qu’éclate le génocide, plus de 2 500 civils tutsis trouvent refuge dans l’enceinte de l’École technique officielle (ETO), base du plus important régiment para-commando belge de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR). Le drapeau onusien et les casques bleus empêchent les tueurs hutus de pénétrer dans l’enceinte de l’école.
Quatre jours plus tard, les casques bleus belges reçoivent l’ordre de quitter les lieux, accompagnés de 147 expatriés occidentaux aidés par les troupes françaises de l’opération Amaryllis. Ils abandonnent les civils tutsis qui sont massacrés. Moins de 70 survivront.
Fort des témoignages des principaux protagonistes et d’archives encore inédites, ce documentaire raconte les hésitations de la communauté internationale face à un génocide qu'elle aurait sans doute pu arrêter. Il ne se contente pas d’un constat sombre, mais pose une question essentielle : faut-il reconnaître pour les militaires un devoir de désobéissance face à un ordre manifestement illégal ? Serait-ce la solution pour prévenir les prochains génocides ?
À la narration : Sonia Rolland, actrice et réalisatrice franco-rwandaise
Née à Kigali en 1981, d’un père français et d’une mère rwandaise, Sonia quitte son pays natal pour le Burundi en 1989, face à la montée des tensions politiques. En 1994, alors que le génocide des Tutsis embrase le Rwanda voisin, sa mère tutsi craint pour sa vie et celle de ses enfants. Sonia, à peine âgée de 14 ans, et sa famille regagnent définitivement la France.
Le 11 décembre 1999, à seulement 18 ans, Sonia Rolland est sacrée Miss France 2000 et devient la première Miss France d'origine africaine.
En 2001, elle créée son association, Maïsha Africa, pour soutenir les enfants vulnérables d’Afrique, et en particulier les orphelins du génocide du Rwanda.
Soirée consacrée au Rwanda
« Le Monde en face : Rwanda, vers l'apocalypse »
Présentation Mélanie Taravant
Documentaire (70 min – inédit – 2024) — Réalisation Michaël Sztanke, Maria Malagardis et Seamus Haley — Narration Gaël Faye — Production Babel Doc, avec la participation de France Télévisions
« La Case du siècle : Rwanda, désobéir ou laisser mourir ? »
Documentaire (52 min – inédit – 2024) — Auteur Joël Kotek— Réalisation Valérie Inizan — Narration Sonia Rolland — Conseillère historique Hélène Dumas — Coproduction Palmyra Films et Effervescence Doc, avec la participation de France Télévisions
Diffusion dimanche 7 avril à partir de 21.05 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv