« Le Mélange des genres » : rencontre avec Michel Leclerc et Benjamin Lavernhe

Pour la sortie du film « Le Mélange des genres », France TV & Vous a rencontré Michel Leclerc et Benjamin Lavernhe pour discuter des sujets qui y sont abordés. Ils reviennent sur les thèmes de la déconstruction des rôles genrés, du regard masculin vis-à-vis du féminisme, et de la manière dont la masculinité évolue avec les nouvelles représentations sociales.

Quand Simone, une flic aux idées conservatrices infiltrée dans un collectif militant, accuse Paul pour préserver sa couverture, tout bascule. Doux, inoffensif, sincèrement engagé pour la cause des femmes et persuadé d’avoir déconstruit tous les clichés de genre, Paul se retrouve embarqué dans un engrenage qu’il n’aurait jamais imaginé. Ces deux personnages que tout oppose vont entamer, ensemble, une introspection aussi inattendue que riche, les confrontant à leurs contradictions… et à eux-mêmes.


Benjamin Lavernhe : On suit Simone qui est une flic limite réac, qui vit dans un milieu d’hommes et qui enquête sur un collectif féministe qu’elle soupçonne de complicité de meurtre. L’intrigue parallèle qui est Paul, lui très en avance sur les questions du féminisme. Donc c’est un peu une femme avec les défauts des hommes et puis un homme avec les qualités d’une femme, et qui vont se rencontrer autour d’une accusation qui va leur faire faire à chacun un grand trajet, un cheminement, une introspection très positive et fertile.

Michel Leclerc : Je suis, comme tout le monde, traversé par ce mouvement depuis quelques années. En plus à la position que j’ai, qui est celle d’un réalisateur mec un peu vieillissant. Il m’est arrivé d’avoir des pensées contradictoires, à la fois de soutenir absolument ce mouvement et d’avoir peur. Est-ce que je ne vais pas perdre quelque chose dans ma vie ? Est-ce que je n’ai pas…

B. L. : Mon pauvre chaton.

M. L. : Ouais, voilà.

B. L. : Arrête de faire ton ouin-ouin !

M. L. : Tout de suite, à chaque fois que je dis ça, on me dit ça : « Arrête de faire ton ouin-ouin », et je me dis : la peur, c’est un bon sujet en fait. Même si la peur ne correspond pas à un risque. Le risque qu’un homme, par exemple, se fasse faussement accuser, il est infinitésimal par rapport aux risques qu’une femme prend en traversant la rue à 1 heure du matin. Mais ça ne veut pas dire que cette peur n’existe pas.

B. L. : Moi ce que j’aime, c’est surtout d’accompagner Michel, non pas dans ses peurs et ses états d’âme, mais parce qu’au contraire, moi, j’ai envie de lui dire : « Mais attends… »

M. L. : « … Calme-toi. »

B. L. : « Quelque part, c’est pas le moment, on s’en fiche un peu là. » Mais c’est surtout que le film, il apporte énormément de complexité et il rebat les cartes des genres. Les hommes ne sont pas forcément virils et violents, même s’il y en a une bonne, bonne lampée. Et les femmes ne sont pas forcément associées à la douceur. Ce que j’aime, c’est le trajet que font les personnages.

M. L. : Moi j’ai toujours considéré que mon métier consistait à prendre des sujets lourds et essayer d’insuffler de l’hélium dedans pour que ça monte un peu comme ça et qu’on en fasse un film léger, mais qui n’a pas été fait avec légèreté. C’est ma manière naturelle de m’exprimer. C’est-à-dire que quand quelque chose m’angoisse ou me perturbe, c’est par la comédie que je peux arriver à mieux le comprendre. C’est un homme doux mais pas mou, c’est-à-dire que c’est un homme qui a quand même des convictions très fortes. Par exemple, le refus du masculinisme triomphant qu’on peut croiser de plus en plus ces temps derniers.

B. L. : Ça peut libérer beaucoup d’hommes de se plonger dans ce combat féministe, d’accompagner les femmes, de les écouter, et c’est ça la révolution des temps modernes, c’est l’enjeu de société.

M. L. : Je voulais en faire aussi un héros, effectivement, d’une nouvelle masculinité douce.