« Nous paysans », un siècle d’histoire du monde rural
En résonance avec l’actualité, France Télévisions s’est mobilisé dès jeudi 25 janvier pour consacrer une semaine spéciale au monde agricole. Le documentaire exceptionnel de Fabien Béziat et Agnès Poirier « Nous paysans » – avec la voix de Guillaume Canet – revient sur un siècle d’agriculture. Lundi à 21.05 sur France 5.
À la fin du XIXe siècle, les paysans représentaient plus de 70 % de la population dans une France qui était encore pour l’essentiel une civilisation rurale et agricole, une mosaïque de traditions et de pratiques, de langues et de patois. Ils ne représentent plus aujourd’hui que 3 %.
Ce que les siècles avaient longuement façonné, un peu plus de cent années de guerres, de crises politiques, de bouleversements sociaux, culturels et technologiques l’ont transformé de façon parfois violente, faisant accéder les campagnes et les « agriculteurs » à la modernité, mais reléguant les « paysans » dans l’oubli. C’est tout l’enjeu de la somme documentaire de Fabien Béziat et Agnès Poirier : remettre en lumière ce monde qui est bien le nôtre – « plus des deux tiers d’entre nous ont un ancêtre paysan » – et, à travers des archives et des témoignages, le faire avec les mots des paysans eux-mêmes, de leur point de vue.
De 1900 à la Libération, les campagnes françaises – qui semblaient jusqu’alors vivre une vie immuable – sortent profondément meurtries et affaiblies de la première moitié du XXe siècle : saignées et dévastées par la Première Guerre mondiale (cinq millions de soldats, un million qui n’en reviendra pas) ; vidées de leurs bras par l’industrialisation des années 30, qui attire en ville ceux qui espèrent une vie meilleure ; éprouvées par la crise économique ; flattées mais pillées par le régime de Vichy. Le second demi-siècle sera celui de la reconstruction : tandis que les jeunes générations paysannes, emmenées par la Jeunesse agricole catholique, aspirent à s’émanciper d’un univers social obsolète et étouffant, il faut nourrir les Français et redonner au pays son autonomie alimentaire, donc intensifier la production. Après la motorisation des campagnes, ce sera la révolution agricole lancée en 1962 par le ministre de l’Agriculture Edgard Pisani, les remembrements à marche forcée, la Politique agricole commune de la Communauté européenne, l’arrivée du soja américain destiné à nourrir le bétail et celle des engrais bon marché, qui ouvrent la voie à une agriculture industrielle.
Nouveaux défis
Les paysans ont été les premières victimes de leur succès : surproduction et endettement. Dès le milieu des années 70, la pilule est amère et le désenchantement gagne les campagnes. Il faudra pourtant aller plus loin encore avec la révolution de la chimie. De nouvelles céréales sélectionnées pour leurs rendements supérieurs, mais fragiles, nécessitent l’utilisation à outrance de produits chimiques, baptisés pudiquement « produits phytosanitaires » : fongicides, insecticides et enfin pesticides. Avec les conséquences que l’on connaît désormais : agriculteurs malades, sols exsangues, faune sauvage en voie d’extinction, modèle productiviste qui pousse à la ruine et au suicide.
À la fois mis en accusation et sommés de se convertir en gardiens de la terre, les paysans d’aujourd’hui et surtout de demain font face à de nouveaux défis : nourrir la population tout en inventant une agriculture plus soucieuse de l’environnement et en se préparant à affronter une crise climatique. Mais avec quels moyens ? Et, d’abord, avec quels moyens humains ? « Pour dix qui partent, il y en a deux qui s’installent. » Une population plus nombreuse mais des campagnes désertes et parfois à l’abandon, confrontées à un effondrement démographique vertigineux. Elle est sans doute là, la plus grande transformation sociale depuis l’invention de l’agriculture.
Nous paysans
C’est l’histoire de nos grands-parents et de nos arrière-grands-parents. L’histoire d’une incroyable épopée, celle des paysans français qui, en à peine un siècle, ont vu leur monde profondément bouleversé. Alors qu’ils constituaient autrefois la grande majorité du pays, ils ne sont plus aujourd’hui qu’une infime minorité, mais se retrouvent confrontés à un défi immense : comment continuer à nourrir la France ?
De la figure du simple métayer décrit par Émile Guillaumin au début du XXe siècle au lourd tribut payé par les paysans durant la Grande Guerre, des prémices de la mécanisation dans l’entre-deux-guerres à la figure ambivalente du paysan sous l’Occupation, de la course effrénée à l’industrialisation dans la France de l’après-guerre à la prise de conscience qu’il faut désormais repenser notre modèle agricole et inventer l’agriculture de demain, le film revient sur la longue marche des paysans français. Un siècle au cours duquel une France autrefois morcelée en de nombreuses régions, aux langues et aux traditions variées, va s’unir. Un siècle au cours duquel les campagnes vont lutter pour se moderniser et connaître des changements sociaux sans précédent.
Pour la première fois, cette histoire nous est racontée par les paysans eux-mêmes. À travers leurs témoignages, des archives exceptionnelles et la voix de Guillaume Canet, Nous paysans nous fait découvrir toute la richesse et la diversité de cette France agricole qui représente non seulement notre passé mais aussi notre avenir.
Documentaire (90 min - 2021) – Inédit – Un film de Fabien Béziat et Agnès Poirier – Écrit en collaboration avec Hugues Nancy – Production Program33 – Avec la voix de Guillaume Canet
Nous paysans est diffusé lundi 29 janvier à 21.05 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv