« Science grand format - Plus vite, plus haut, plus fort »

Retenez votre souffle et entrez dans les coulisses de la performance

France 5

Documentaire

Des centaines de scientifiques travaillent dans l’ombre des athlètes français. Des gestes à l’équipement en passant par le cerveau, ils repoussent les limites du corps humain. Déjà dans la Grèce antique, les premiers sportifs s’entraînaient pour être les meilleurs. Au passé comme au présent, la science éclaire d’un jour nouveau la devise olympique : « Plus vite, plus haut, plus fort ». Entretien avec Stanislas Kraland, coréalisateur de ce documentaire diffusé jeudi 27 juin à 21.05 sur France 5.

Programme FULGUR Athlétisme © Grand Angle Productions

Les J.O. à Paris ont-ils mis une pression supplémentaire à cette équipe de France de scientifiques au service de la performance des athlètes ?
Stanislas Kraland :
Cette équipe de France des scientifiques regroupe des chercheurs de tous horizons au sein de dizaines de programmes de recherche mais aussi les référents scientifiques des fédérations qui œuvrent à l’accompagnement des athlètes au quotidien. En matière de science et de performance, la France accusait un retard par rapport aux Britanniques, qui ont pris ce tournant-là au moment des Jeux Olympiques de Londres en 2012, ou encore face aux États-Unis qui sont les véritables pionniers de l’utilisation de la science et de la data dans la quête de la performance. Pour la France, les Jeux de Paris ont donné une impulsion inédite, avec la mise en place de nombre de ces programmes, comme FULGUR pour le sprint ou NEPTUNE pour la natation. Cela ne veut pas dire que la science était absente auparavant, simplement les Jeux de Paris ont donné un coup d’accélérateur à cette dynamique dans la quête de la performance. De ce point de vue, les Jeux de Paris sont un test. Sans céder à la pression, tous les scientifiques que nous avons rencontrés étaient particulièrement conscients des enjeux. Pour autant, ils n’ont pas tous les yeux rivés sur 2024, certains regardent déjà vers Los Angeles en 2028. 
 
Quels sont ces nouveaux critères incroyables pour optimiser les performances du corps tout en évitant les blessures ?
S. K. : Éviter la blessure, c’est l’obsession de tous les entraîneurs et a fortiori de tous les athlètes. Car un athlète blessé, c’est un athlète qui ne s’entraîne pas et donc qui ne progresse pas. D’une certaine manière, presque tous les programmes de recherche prennent en compte cette dimension. Pour le sprinter par exemple, les mesures d’élasticité des muscles, c’est-à-dire le test en laboratoire de chaque muscle engagé par le sprinter, vont être un critère déterminant pour personnaliser son entraînement en le dirigeant vers des exercices d’assouplissement spécifiques. 

Le cerveau aussi est sollicité ?
S. K. : Tout à fait, et les travaux de la neuroscientifique Claire Calmels à l’Insep sont probablement parmi les plus étonnants. En faisant visionner des séquences de jeu aux joueurs de badminton, elle entraîne leur cerveau à une prise d’information inconsciente de l’emplacement du joueur adverse sur le terrain, de sa position, des espaces libres, et elle parvient grâce à cela à réduire leur temps de réaction en situation de match. C’est hyper important parce que le badminton est un sport où tout va très vite et où une infinité de coups existent. Ce mode d’entraînement qui se rapproche d’une certaine manière du jeu vidéo permet de rajouter de l’entraînement aux joueurs sans mettre en jeu leur corps, et donc sans risquer la blessure, alors que la charge d’entraînement est déjà au maximum. Mieux : il permet aussi à des joueurs blessés de garder contact avec la discipline. 

Badiste
Badiste.
© Grand Angle Productions

Quels sont les outils pour entraîner le corps qui vous ont le plus impressionné ?
S. K. : Nous avons été scotchés par l’entraînement en hypoxie. Au Centre national d’entraînement en altitude (CNEA) de Font-Romeu, dans les Pyrénées, nous avons pu suivre le marathonien Hassan Chahdi. Le CNEA est équipé d’une salle d’entraînement en hypoxie, c’est-à-dire une salle fermée dont l’atmosphère est appauvrie en oxygène grâce à un mécanisme qui sépare le dioxygène de l’azote dans l’air qui rentre dans la salle. Quand on fait cela au niveau de la mer, on peut aisément simuler les conditions d’oxygénation d’une altitude de 2 500 mètres. Mais ici, sur le site de Font-Romeu, on crée artificiellement dans une salle d’entraînement les conditions qu’un athlète retrouverait au sommet du mont Blanc. Lorsqu’il s’entraîne dans cette salle, Hassan Chahdi court à un rythme soutenu pendant des sessions de plus d’une heure. C’est très impressionnant, d’abord du point de vue de la performance, car, au bout d’une demi-heure, une personne lambda va suffoquer et avoir des maux de tête, ensuite parce que ce stress sur l’organisme a des effets perceptibles d’une séance à l’autre. C’est très rapide. En quelques sessions, Hassan est parvenu à réduire sa fréquence cardiaque pour la même allure et surtout à augmenter sa saturation en oxygène musculaire. Cela veut dire que ses muscles utilisent davantage d’oxygène, et ça en matière de performance c’est un vrai plus !

Cette notion d’individualisation est clef, car elle permet de voir, de mettre un chiffre, d’avoir une donnée précise sur ce qui demeure invisible aux yeux des entraîneurs.

Stanislas Kraland, coréalisateur du documentaire

Pourrait-on affirmer qu’aujourd’hui la science contribue tout autant que l’humain à l’obtention d’une médaille ?
S. K. : La science fait partie de l’écosystème qui produit de la performance. Elle ne crée pas nécessairement de la performance directement, dans un lien de causalité clair et établi. En revanche, elle permet d’éviter la blessure, on l’a dit, et surtout d’individualiser l’entraînement. Cette notion d’individualisation est clef, car elle permet de voir, de mettre un chiffre, d’avoir une donnée précise sur ce qui demeure invisible aux yeux des entraîneurs. Et puis il y a des mesures comme les mesures de variabilité de fréquence cardiaque – le temps entre chaque battement de cœur – qui sont des indicateurs clairs de l’état de forme des athlètes, et qui permettent de voir très vite si un athlète entre dans le rouge en termes de fatigue par exemple. Quelque part, cette miniaturisation, ces données, c’est ce que nous vivons tous avec nos téléphones et nos montres connectés, avec nos applications de running ou les capteurs de puissance sur nos vélos. Un athlète de haut niveau va avoir accès à ça, mais puissance 1 000, grâce à un suivi jour après jour et des données sur plusieurs années. Les résultats ne s’obtiennent pas forcément sur le temps court. Mais, grâce à la science, on peut optimiser l’entraînement, augmenter le temps et la qualité d’entraînement sur plusieurs années, et cela c’est clairement un facteur de création de la performance. 

Propos recueillis par Béatrice Cantet

Le saviez-vous ?

Céramique grecque - Musée du Louvre
Céramique grecque.
© Musée du Louvre

C’est à Olympie, épicentre du monde grec, qu’émerge au VIe siècle avant notre ère la figure du sportif. Ces premiers athlètes sont des hommes, issus de l’aristocratie, car ils avaient les moyens de consacrer du temps au pur exercice. L’objectif de départ est de les préparer à la guerre.
Lors des compétitions, le sanctuaire d’Olympie est envahi par des milliers de personnes, pas seulement des athlètes mais aussi des spectateurs (le stade pouvant en accueillir 45 000). Aujourd’hui, les vestiges du temple de Zeus nous rappellent que, tous les quatre ans, ces jeux étaient avant tout en l’honneur du dieu du panthéon grec. Les participants venaient de l’ensemble du monde hellénique : de Marseille à l’est aux îles grecques d’Asie mineure à l’ouest, en passant par la Sicile et l’Italie du Sud. Ils s’entraînaient et concouraient dans le plus simple appareil, évitant ainsi toute entrave du vêtement. Le palmarès (nombre de victoires) était inscrit sur leur stèle funéraire. Chacun se posait déjà la même question : comment, à l’instant T, le jour J, être le premier à franchir la ligne d’arrivée ?

Science grand format – Plus vite, plus haut, plus fort

Présentation Mathieu Vidard
Documentaire (90 min – 2024) – Réalisation Stanislas Kraland et Hugues Demeude – Production Grand Angle Productions, avec la participation de France Télévisions

Plus vite, plus haut, plus fort est diffusé jeudi 27 juin à 21.05 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv

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Publié par BEATRICE CANTET le 21 juin 2024